État des lieux de la menace terroriste en France
Guillaume Farde est maître de conférences, conseiller scientifique de la spécialité sécurité-défense de l’École d’Affaires Publiques de Sciences Po Paris. Il a publié plusieurs ouvrages sur les problématiques sécuritaires, notamment Le continuum de sécurité nationale : quelles externalisations pour demain ? (Broché, 2020).
La France vit avec le terrorisme depuis des décennies. Les années 1960 et la guerre d’Algérie, ainsi que la vague d’attentats de l’été 1995 ont particulièrement marqué la deuxième moitié du XXème siècle dans notre pays.
Genèse de la menace terroriste en France
"Entre l’attentat de la station de RER Port-Royal en 1996 et les attaques de Mohamed Merah en 2012, la France a été relativement épargnée par le terrorisme islamiste".
Guillaume Farde est revenu avec précision sur la genèse du terrorisme en France. Les Français vivent avec le terrorisme depuis des décennies. Les années 1960 et la guerre d’Algérie, ainsi que la vague d’attentats de l’été 1995 ont particulièrement marqué la deuxième moitié du XXème siècle dans notre pays.
Pourtant, entre l’attentat de la station de RER Port-Royal en 1996 et les attaques de Mohamed Merah en 2012, la France a été relativement épargnée par le terrorisme islamiste.
Quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001, la coalition occidentale s’engage aux côtés des États-Unis en Afghanistan, sous mandat de l’ONU. Naturellement, solidaire de son allié américain, la France y prend pleinement part. Néanmoins, en 2003, Jacques Chirac pose son véto au conseil de sécurité des Nations Unies contre l’invasion de l’Irak de Saddam Hussein. La France est donc en retrait des pays qui interviennent au Moyen-Orient au début des années 2000. C’est probablement la raison pour laquelle la France n’a pas subi d’attaques de grande ampleur sur son sol durant cette décennie. L’Espagne de José Maria Aznar et le Royaume-Uni de Tony Blair sont frappés par de sanglants attentats, à Madrid en 2004, puis à Londres en 2005 alors même que ces deux pays participaient à la guerre d’Irak aux côtés des Américains.
2012 : an 0 du terrorisme contemporain en France ?
Guillaume Farde explique que le risque terroriste en France connait un nouvel essor depuis 2012 et les attentats perpétrés par Mohamed Merah à Toulouse et à Montauban, sans pour autant que l’on puisse à proprement parler « d’an 0 ». Les menaces terroristes tendent à devenir davantage endogènes et, entre 2015 et 2020, la France est frappée à de très nombreuses reprises avec des attentats qui comptent parmi les plus meurtriers du monde occidental. Malgré les divisions politiques et les polémiques, l’État reste très vigilant et efficace puisqu’un attentat est déjoué tous les mois et demi en moyenne. Face au terrorisme, la difficulté pour les démocraties est de ne pas céder au tout sécuritaire préventif en légiférant au-delà du cadre de l’État de droit. Le risque principal serait de se détourner des valeurs de liberté et de justice que nous défendons pour devenir un État autoritaire, ce qui ferait le jeu des terroristes. Comme le dit très justement la célèbre citation de Benjamin Franklin "Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'un ni l'autre et finit par perdre les deux". Selon Guillaume Farde, les démocraties doivent désormais vivre en intégrant le fait que le risque zéro n’existe pas.
Par ailleurs, la réponse se trouve aussi à l’échelle européenne. À titre d’exemple, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a longuement travaillé avec ses homologues européens en 2016 afin d’obtenir une meilleure règlementation des armes au sein de l’Union européenne. En agissant ainsi, l’Europe a réduit le risque d’attaques aux armes de guerre, qui sont les plus mortelles. On voit ici le lien tentaculaire entre grand banditisme, trafic d’armes et terrorisme.
"Comme le dit très justement la célèbre citation de Benjamin Franklin "Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'un ni l'autre et finit par perdre les deux""
Le terrorisme doit être également analysé à la lumière du XXIème siècle et du numérique. Les réseaux sociaux sont des espaces de fédération et de recrutement où se diffusent propagande et revendications comme en témoigne l’attentat contre Samuel Paty, où Twitter a été le support d’une tragique chasse à l’homme.
"Nous ne devons pas oublier que le terrorisme contemporain n’est pas seulement islamiste."
Les attentats de Christchurch en 2019 et ceux de Francfort en 2020 ont montré que le terrorisme d’extrême droite menace également nos sociétés.
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Tom Ricciardi