
Lundi 29 novembre, l’association Place au Débat! a eu le plaisir d’accueillir Andreï Vaitovich, journaliste d’origine biélorusse ayant dû s’exiler en France pour échapper à la répression orchestrée par Alexandre Loukachenko.
Durant cette rencontre, ce dernier a analysé la crise migratoire en cours à la frontière polonaise mais aussi les crises politiques et diplomatiques qui secouent aujourd’hui le régime bélarusse. Entre rappel historique et récit de son immersion au Bélarus, Andreï Vaitovich a permis aux quelques 80 étudiants présents de mieux comprendre les réels enjeux diplomatiques et humanitaires de la crise politique en cours dans le pays.
"Un seul souhait, celui de mener une vie meilleure"
En début de conférence, Andreï Vaitovich a notamment rappelé qu’il ne s’agissait pas d’une crise migratoire mais plutôt d’une crise hybride, à mi-chemin entre attaque politique et mouvement humain. En effet, le Bélarus n’utilise pas des chars et des armes mais bel et bien des migrants pour atteindre son objectif, qui serait celui de se venger des sanctions européennes. Aujourd’hui, la situation reste tendue. 2000 à 3000 migrants se trouvent encore à la frontière. Andreï Vaitovich a insisté sur le fait que « ces migrants n’ont qu’un seul souhait, celui de mener une vie meilleure. » Pour concrétiser cet espoir, leur destination finale est bien souvent l’Allemagne et la France, qui sont deux pays dont l’accueil des immigrés faisait partie intégrante d’une longue tradition.
"L’élection d’Alexandre Loukachenko en août 2020 était une élection volée"
Ensuite, notre invité est revenu sur les facteurs explicatifs de l’actuelle crise politique et diplomatique qui touche le Bélarus. Alors qu’après la chute de l’URSS en 1991, trois années d’indépendance avaient été expérimentées, celles-ci furent des années de chaos en raison de l’absence de loi et de l’anéantissement de l’état de droit. La population bélarusse aspirait dès lors à plus de stabilité. En 1994, Alexandre Loukachenko arriva au pouvoir en se présentant comme l’Homme de l’espoir et du renouveau. Andreï Vaitovich a pu expliquer qu’une grande majorité des bélarusses, dont sa famille, avaient voté en faveur de Loukachenko. Mais une fois élu, ce dernier fit marche arrière sur les promesses formulées durant sa campagne, laissant place à une peur régnante aux quatre coins du pays. L’État a progressivement repris le contrôle de la presse. La presse numérique locale a été détruite et toute tentative d’alternance politique était immédiatement empêchée. Les fraudes électorales se sont multipliées. Tout enregistrement de candidature venant d’opposants politiques a été interdit. Notre invité est allé jusqu’à affirmer que « l’élection d’Alexandre Loukachenko en août 2020 n’était qu’une élection volée ». Aucune organisation internationale, ni même locale, n’a été autorisée à surveiller le scrutin. C’est à partir de ce moment-là que les bélarusses ont pris conscience des dérives autoritaires de leur dirigeant.
Au fil de la discussion, Monsieur Vaitovich a également donné son avis quant à l’impact des sanctions votées par les pays de l’Union Européenne. Il a notamment rappelé « qu’il n’existe pas de sanction magique pour arrêter des dictatures ». En revanche, même si ces sanctions n’ont pas une efficacité totale, il est impératif de les maintenir. Selon lui, il faut en effet continuer à isoler le Bélarus et la fermeture des flux aériens décidée par l’UE en est un exemple. Tout en sanctionnant le pouvoir Bélarus, l’Europe doit aussi soutenir la société civile car c’est à elle que reviendra le dernier mot. Enfin, l’Union Européenne n’a pas à avoir peur de faire du soft-power . « C’est par la diffusion des valeurs européennes que la liberté finira par s’imposer au Bélarus » a affirmé Andreï Vaitovich.
"Il n'existe pas de sanctions magiques pour arrêter des dictatures. Le combat continue."
À l’issu de la conférence, Andreï Vaitovich a évoqué les motifs d’espoir permettant d’envisager un avenir meilleur pour son pays d’origine. Il a appelé ses compatriotes « à ne pas baisser les bras par respect envers les nombreux prisonniers ». Selon lui, chacun doit continuer à jouer son rôle. « Le combat continue » a-t-il répété aux étudiants. Ce qui compte aujourd’hui c’est que les prisonniers politiques puissent sortir de prison le plus rapidement possible afin que ceux qui sont partis reviennent. Il a conclu en affirmant « La route vers la démocratie n’est pas facile. La quête démocratique n’est pas une course, c’est un marathon ».
L’ensemble de l’équipe de Place au Débat remercie chaleureusement Andreï Vaitovich pour sa venue à Sciences Po Lyon, les étudiants pour leur participation ainsi que le personnel de Sciences Po Lyon pour le prêt des locaux.
À bientôt pour de nouvelles conférences !
Enzo LAVASTRE